J’ouvre la porte et découvre mon amie Binta. Je suis à la fois surpris et content. Quel exploit d’avoir réussi à quitter Thioloun ! Alors que je viens juste de fuir à cause d’un éternuement. Honteux mais sensé non ?
Je veux la prendre dans mes bras mais, corona m’empêche. Quelle sale maladie !
Sa phrase « Il faut qu’on rentre en Guinée » résonne encore dans ma tête et me laisse perplexe. Que devient mon rêve de devenir médecin ? Retourner en Guinée signifie claquer la porte à tout. Je fixe Binta dans les yeux comme si j’essayais de la convaincre d’abandonner cette idée. Justement, c’est ce que je fais en lui disant:
- On peut bien rester ici et se protéger.
Mais, elle est ferme. Elle ne veut même pas s’asseoir. Je la comprends. Le silence règne et son impatience me trouble.
- Je crois qu’on doit réfléchir avant de faire quoi que ce soit, lui dis-je finalement.
- Le confinement commence dans quelques heures à Thioloun, répond-elle, on n’a pas de temps à perdre.
- Le voyage se prépare Koloun. On n’a même pas de billets.
- Ça s’appelle urgence. On trouvera les billets, répond-elle sèchement.
Avec son téléphone, Binta cherche à acheter les billets en ligne. Debout à un mètre de moi, je sens à travers ses chuchotements qu’elle est loin de les obtenir.
- Je crois que j’ai besoin de prendre une douche, dit-elle.
- Tu aurais dû commencer par ça, dis-je soulagé.
Elle se dirige vers la salle de bain. Quant à moi, je commence à nettoyer les poignées de la porte et le paillasson.
Par la fenêtre, les bruits chez les voisins me parviennent. Ils sont devenus trop bruyants depuis que leurs enfants ne partent plus à l’école. Un oiseau volant autour de l’immeuble attire mon attention. Je l’observe longuement. Il n’arrête pas de rôder autour comme s’il avait un message à transmettre. Ou peut-être qu’il est étonné que notre quartier soit désert et attristé. Mes pensées tournent dans ma tête. Je peine à me décider. Partir ou ne pas partir ?
Binta revient quelques minutes plus tard et recommence les recherches. Cette fois, je m’assois à côté d’elle. Nous passons des heures à chercher. Rien……
Quatre jours se sont écoulés, nous continuons les recherches. Les vols se raréfient et le billet coûte une fortune. Comment avoir un billet à la mesure de nos moyens ?
A Thioloun, tout va vite. Le nombre de contamination et de morts augmente. Il est ordonné à une seule personne dans un foyer de sortir avec un ticket pour faire des courses. A Sinayah, les gens se sont auto-confinés par peur d’être contaminés. On lit aux infos que d’autres pays ont signalé des cas d’infection à travers les voyageurs.
Binta semble désespérée mais décidée. Mieux vaut être aux côtés des siens, se dit-elle. Je le pense aussi. Mais, Koloun à mes côtés me suffit. Je vois que c’est le contraire chez elle. Cela me blesse, mais je préfère garder ça pour moi.
Elle appelle enfin son bienfaiteur qui l’avait conduite à Sinayah. Elle obtient une bonne nouvelle. Il doit nous conduire à la frontière qui sépare Sinaya de Leïrro. Leïrro est un pays que je connais de par des images à la télé. L’occasion de le découvrir est tentante mais je ne suis pas encore sûr. Le départ est prévu pour l’aube. On fera les serveurs et ensuite, on se débrouillera.
- Que de bonnes nouvelles ! dit Binta
- Par rapport à quoi encore?
- J’ai trouvé deux billets en ligne à moindre coût. On prendra le vol à Leïrro pour Kankanalo.
Je secoue la tête et dit :
- Koloun, je veux qu’on patiente. On a bien dit que nous devons rester confinés pour nous protéger et protéger les autres.
Je vois de la colère se dessiner sur son visage.
- Ok, tu peux rester. Moi je m’en vais. Me dit-elle.